Depuis pas mal d'années, la démocratie me préoccupe. J'ai l'impression de vivre comme dans un grand bocal où la teneur en oxygène diminuerait lentement. D'habitude on ne se pose pas la question de l'oxygène. Même lorsque ça manque un peu, que la pollution augmente, ça gêne à peine. On se sent juste un peu oppressé, mal à l'aise. Mais on s'habitue, au pire on fait avec. Et puis qu'est-ce qu'on y peut ? Ca nous dépasse. On n'y réfléchit même pas, car on a tout de même d'autres choses à penser. Des choses toutes plus importantes les unes que les autres, concernant la famille, les étudiants, le boulot, les voisins, les amis, les vacances, la systémique, l'aquarelle. Alors la démocratie on verra ça après : nous ne sommes pas encore en danger, non, ça pourra attendre. Jusqu'aux élections par exemple. D'abord les élections c'est fait pour ça, pour déléguer mon rôle dans la démocratie à des gens qui sont chargés de s'en occuper. Qu'ils le fassent bien ou mal, pas du tout ou qu'ils fassent même le contraire, c'est un autre problème : moi j'ai pris mes responsabilités en votant, maintenant c'est à eux d'assumer les leurs. C'est vrai quoi. C'est comme pour les enfants ; je les ai élevés, maintenant qu'ils se débrouillent avec leur boulot, sinon c'est à Pôle Emploi de s'en occuper. Et les parents, vous croyez que j'ai le temps de m'en occuper ? Ils sont tous malades, dispersés, isolés, dépendants. Il faudrait que la société s'en occupe mieux. Et les étudiants ? Est-ce ma faute s'ils n'ont pas le temps d'étudier parce que leurs employeurs leur mettent la pression ? Que dire des voisins, lorsque leur sirène se met à hurler, n'est-ce pas à la police d'intervenir ? ...
Je m'arrête là, parce que ça va faire plus de dix lignes, et c'est curieux, je respire mal. L'air est lourd, orageux. Le changement climatique sans doute.